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Introduction à la Vénus

Une brise légère s’infiltrait dans mes cheveux alors que je levais les yeux vers le ciel, le printemps serait bientôt là! Tandis que les oiseaux chantaient ce renouveau à venir, l’hiver doucement s’endormait au contact de la douceur de l’air qui lui offrait sa couche. Tout autour de moi la végétation préparait calmement ses bourgeons et je me sentais renaître au cycle de la vie. Assise paresseusement, je prenais mon petit déjeuné sur une petite table ronde en fer forgé blanc. Devant moi les champs s’étendaient, et au loin derrière eux s’affichait la lisière d’une abondante forêt. La nuit précédente J'avais rêvé qu'il y avait dissimulée en son sein une Vénus au coeur pur.
Dès que le temps me le permettrait j’irai à sa rencontre, un peu plus tard sans doute, me dis-je en m’étirant avant de rentrer. Une odeur de peinture fraichement posée embaumait les pièces de ma nouvelle demeure, j'avais passé tout le jour d’avant à en couvrir les murs de blanc... Je contemplais l’espace vide de la pièce principale, envisageant mes effets personnels afin que le lieu prenne vie dans sa plus belle harmonie. Un silence paisible m’accompagnait à me donner l’illusion d’une page vierge de toutes histoires. Au cœur de cette page trônait la patience en un bouton de rose qui attendait d’éclore au soleil. Cette petite fleur à naître, un peu timide, c’était moi, pensais-je alors dans un sourire plein d’espoir...

J’avais quitté ma contrée natale afin de débuter une nouvelle vie. Sans doute était-ce pour cela que le printemps me faisait tout particulièrement éco cette année-là ! Etant très intuitive, j’avais laissé les aléas guider ma vie tandis que le ciel inspirait mes choix à la lumière de ce qui était bon pour moi. La ville où je me trouvais avant c’la n’avait pas répondu à mes attentes, elle m’avait toujours laissé le sentiment que je ne faisais pas partie d’elle. Forte de ce sentiment, j’avais alors envisager d’autres lieux. C’est ainsi que mes pensées, de prime abord et presque d'elles-mêmes, avaient dessiné la nature autour d’une ville sans nom ni visage. Parce que la nature était vitale à mon bien-être, je n'étais définitivement pas une fleur des villes et m'abreuvais aux chants matinal des oiseaux tandis que le calme m'emplissait d'une force inspirante... J'avais ensuite laissé mon esprit imaginé les allées et ruelles susceptibles de m’apporter du plaisir à les arpenter, un lieu en accord avec moi. Par cela Je cherchais simplement à envoyer dans l'univers une demande fertile, non cloisonnée, par le biais d'une projection ouverte aux possibilités existantes. Il ne faut pas se perdre dans un rêve irréalisable, capter uniquement l’énergie général d'un lieu en ne s'abandonnant pas à une visualisation tellement restrictive que in, visualisant ainsi uniquement ce qui s’en dégageait afin d'envoyer dans l’univers une demande fertile non cloisonnée. Et puis je n’y avais plus pensé, laissant la vie suivre son cours, patiente mais attentive aux signes de la vie…
Dans une boulangerie, une dame racontais les charmes de la ville qu’elle avait visité lors de ses dernières vacances. Malgré que ses éloges à l'égard de ce lieu étaient séduisantes, je n'y prêta attention qu'un instant avant de reprendre mon chemin. Je me rendais chez une amie! Cette dernière me fit découvrir la finesse de son nouveau service à thé dont la porcelaine était précisément issue de cette même ville! Cela prêtait au dit lieu un air de délicatesse et de noblesse qui n’était pas pour me déplaire. Les jours suivants m’amenèrent peu à peu à penser de plus en plus à cette ville. C'est alors que, passant devant la vitrine de mon libraire, je fus surprise de voir un ouvrage tout en image qui présentait la fameuse ville qui semblait vouloir me plaire. Sans plus me poser davantage de questions, j'entrai afin de me procurer l'ouvrage et voilà que quelques temps plus tard je déménageais pour m'y installer...
 
Et voilà comment je me retrouvais dans ma nouvelle demeure! Mes économies me permettaient d’appréhender ce changement sans trop d’inquiétudes, j’allais même pouvoir m’octroyer quelques mois de repos avant de reprendre mes activités professionnelles… Une fleur à naître à besoin de temps et de calme avant de s’ouvrir au monde.

***
 La Vénus

Le printemps s’était installé depuis peu, et déjà la couleur jouait ses nuances autour du château esseulé. Clos depuis bien longtemps déjà, ce dernier affichait un air bien plus amical qu’hautain, et sa grandeur résidait avant tout dans la modestie avec laquelle il avait été pensé. Tandis qu’il trônait discrètement au cœur de l'abondante forêt, sa façade en pierres blanches jaunissait paisiblement sous le poids des ans. Le long des mûrs se dressaient de hautes fenêtres vitrées habillées de grands drapés, eux aussi jaunis par le temps. Pas un regard ne pouvait s’infiltrer à l’intérieur, laissant au château le pouvoir de conserver sereinement les secrets de son histoire bien gardée ! Voilà donc un bâtiment dont la vieillesse ne manquait pas de charme ! Devant lui, s’offrait une vaste étendue qui devait être jadis son jardin de noblesse, un jardin dont seule la forêt en délimitait l’espace. Au cœur de ce domaine, deux lignes de fleurs blanches, toutes issus de la même espèce, se suivaient parallèlement en se promenant au grès de l’herbage verdoyant qui prédominait. En de joyeuses courbes jumelles, ces fleurs semblaient imaginer les allées d’un temps passé. Quel agréable ensemble, pas une seule entrave à la liberté ne semblait demeurer ici. La vue était rafraîchissante et invitait au doux respect du silence, comme si contempler ce tableau permettait à l’âme de s’abreuver à la rosée d’un matin angélique. Un peu en retrait du centre de cet espace, dans un élan d’affinité complice, deux rosiers à la couleur jaunes tendre, espacés d’à peine quelques mètres,  glissaient sur le sol jusqu’à se rejoindre au pied de l’unique statue. Depuis combien de temps se tenait-elle debout dans ce silence ? La blancheur de sa roche baignée de soleil semblait à l’abri du temps. On aurait dit la maitresse de ces lieux, une Vénus à la beauté sublimée. L’étoffe qui préservait son intimité suggérait une robe à l’allure légère qui remontait sur l’une de ses épaules, soulignant sur son passage la délicatesse de sa silhouette. Sa chevelure déployée invitait à la rêverie, tandis que les épines des quelques branches de rosiers qui paraient son corps défiaient quiconque voulu la déshabiller de sa vertu. Sa beauté semblait intemporelle ! Disséminés ça et là au sein de cette aquarelle, de grands arbres au nombre de quatre semblaient être les piliers de la force de ce lieu, comme s’ils en étaient le cœur nourricier ! De plusieurs fois centenaires, leur majesté paraissait tenir compagnie à la demoiselle en fleurs. Ils semblaient être ses gardiens, ou ses pères, alors qu’une brise légère animait l’essence subtile de cet univers. Un léger bruissement s’échappait du haut feuillage de ces arbres maîtres qui ondulaient tranquillement au soleil ! Féérie, la lumière prêtait au lieu un charme irréel… Les âmes les plus sensibles pouvaient presque percevoir les mouvements de la belle au sein de ce royaume. Ses pas touchaient à peine terre tellement elle se déplaçait avec légèreté, et son sourire semblait rayonner dans chaque fleur. Douce rêverie, on se surprenait à penser que les allées fleuries avaient doucement éclos des allées et venues de la demoiselle, symbiose parfaite ! Sur la toile de fond le château affichait un air de bienveillance, au dessus de lui les nuages passaient lentement dans le ciel qui veillait à la paix, tandis que les oiseaux berçaient de vie l’endroit qui se suffisait à lui-même. Chaque détail paraissait évoluer dans l’unique désir d’épouser au mieux l’entourage qui lui était proche, et la dite Vénus ne faisait défaut à cette belle unité ! Ainsi, jamais elle ne cueillait une fleur, elle s’asseyait simplement parmi elles afin de partager leur beauté. La fluidité de la robe qui la parait de blanc flottait doucement au vent, la vénus caressait d’un léger revers de la main l’herbage qui la recueillait. Elle chérissait si profondément ce lieu que je pouvais l’imaginer, endormi pour l’éternité à l’ombre d’un de ces grands arbres, appartenant à jamais à ce paradis qui l’avait vu naître…